Histoire de l'Abbaye Notre-Dame de Lanvaux

« Au mois de juillet 1138, le père Ruaud, portant une croix de bois et accompagné de trois religieux, sortait de Bégard, dont l’abbaye de Lanvaux est la fille. Le jeune essaim se rendait à l’appel du puissant baron qui lui destinait un de ses manoirs situé sur les bords du Loc… ». C’est en ces termes que Jean-Marie Guilloux, vicaire de Brandivy à la fin XVIIIe, décrit la fondation de l’abbatia Beatae Mariae de Landavalle. Le “puissant baron” était Alain, baron de Lanvaux, comte de Quintin.
La nouvelle abbaye, fondée pour huit religieux, fut inaugurée le 11 septembre 1138. Elle occupe le 129e rang des maisons cisterciennes, le 8e de l’Ordre en Bretagne.
Le manoir était situé « presque au sein d’un marais… dont les exhalaisons masaines firent dans la suite des temps beaucoup de victimes parmi les religieux. » (J.-M. Guilloux, Le bienheureux Ruaud). Toutefois, pour pouvoir être consacrée, la nouvelle abbaye a dû répondre aux conditions requises que l'oratoire, le réfectoire, le dortoir, l'hôtellerie et la porterie soient bien implantés. L’église primitive était de style roman.
Dom Ruaud en fut le premier prieur et abbé. Sa réputation de sainteté fit que le monastère devint rapidement le centre religieux de la contrée.
Selon les actes des chapitres généraux de l’Ordre, Notre-Dame de Lanvaux passe en 1225 sous l’autorité de l’abbaye de Langonet, plus proche, cette nouvelle filiation se maintenant pendant tout le Moyen-Âge (chapitre général de 1441, actes de 1491, 1498 et 1499).
L’abbaye Notre-Dame de Lanvaux généra peu de vocations et se maintint tout au long de son existence avec un petit nombre de moines. Au moment de la réforme cistercienne, c’est l’abbaye Notre-Dame de Prières qui fournit les effectifs.
A plusieurs reprises, la survie même de l’abbaye fut menacée.
En 1248, Olivier de Lanvaux, un des descendants du fondateur, provoqua le Duc de Bretagne. Il fut vaincu et sa baronnie confisquée. Fort heureusement, il n’y aucune conséquence pour la communauté des religieux qui, au contraire, se vit attribuer les dépouilles du vaincu.
En 1573, Sieur de Sourdeval, connu sous le nom de Nicolas Brissot, est nommé abbé. Il envoie un agent à l’abbaye avec ordre de faire main basse sur tout ce qu’il trouve. Il céde sa place et son office de procureur à Rigard Sérent qui le surpasse en malhonnêté et en violence, allant jusqu’à tuer un moine qui s’oppose au pillage, retirant de l’abbaye actes, titres et renseignements, en tout 250 pièces. Les religieux, épouvantés, s’enfuient. Paysans et bandits continuent le pillage. La guerre de la Ligue met fin aux exactions de Brissot qui meurt en 1592. C’était sans compter sur le Duc de Mercœur, engagé dans la guerre, qui, pour les récompenser de leurs services, laissa ses officiers confisquer les derniers revenus des cisterciens. Le sac fut complet, l’abbaye de Lanvaux resta innocupée pendant au moins vingt ans. Selon un témoignage des religieux qui ont survécus, « il n’y a pas une abbaye de la province qui ait été autant exposée aux usurpations et sur laquelle on ait tant entrepris que celle de Lanvaux, et on ne peut lire sans gémir et sans se plaindre les vols, les pillages et les persécutions que cette abbaye a soufferts pendant plus de 60 années. »
En 1768, ayant entre cinq à six religieux, la communauté de Lanvaux dut défendre sa cause face à une commission proposant de supprimer les monastères qui ne compteraient pas dix religieux. Elle fit valoir « qu’elle se trouvait au milieu de cinq paroisses dont les bourgs étaient à une lieue et demie au moins de distance, qu’elle était d’un grand secours pour les messes, les sacrements et les aumônes, et que sa suppression serait un malheur pour la population. »
Malgré les difficultés, elle perdura jusqu’à l’expulsion des derniers moines le 4 mai 1791, après 653 ans d’existence.
Après Ruaud, quelques abbés contribuèrent à établir une certaine prospérité de l’abbaye, voire à son développement, parmi lesquels :
• Jean Auffray, abbé commendataire (1614-1632) redressa la gestion et les finances de l’abbaye.
• Melchior Rouxel (1632-1680) introduisit la réforme à Lanvaux en 1631 et laissa une maison relativement prospère.
• En 1761, le prieur Dom Gaspard-André Lorin remit une nouvelle fois de l’ordre autant dans la discipline que dans la gestion de l’abbaye.